Le concert était en porcelaine. De la dentelle fine. Cette fille est divine. Une petite chose qui a pleins de choses vombrissantes a l'intérieur, et elle nous donne tout ça, gratuitement, comme si elle savait déjà que de toute façon ça n’avait pas de prix. Henryka n’a pas dit un mot avant qu’on soit rentré a la maison. Et même la, elle n’a su dire que merci. Je sais qu’elle aurait voulu pouvoir chanter comme ça. C’est une des choses que sa vie parfaite ne lui achètera pas. Même que c'est triste, je trouve.

Du coup jeudi après midi on a rien su faire d’autre que de ne rien faire du tout. Normalement le jeudi j’ai mon cours avec le petit Loic, mais comme c’est férié j'ai eu mon après midi. Cela dit je lui avais quand même promit d’aller le voir a la répétition général pour le concert de samedi. Ça fait plus de deux mois que je le fais travailler la danse d’Iscariot de Mosier. J’aime pas trop Mosier, d’ailleurs. J’ai marché jusque l'École de musique. Gamin je faisais la route en voiture parce qu’on habitait plus loin. Ma mère prenait tous ses après midi exprès pour pouvoir m’y conduire. Elle a toujours tout donné pour que tout me tombe dans la bouche. Prémâché et prédigéré comme dirait les “autres”. J'étais nostalgique. Et puis une fois la bas, j’ai eu la surprise de voir que Laurene y était aussi, au premier rang. Elle n'avait pas son violon, mais un violoncelle. Je ne savais pas qu’elle en jouait. Elle m’a jeté un sourire, rien qui lui fasse dire quoi que ce soit d’important. Elle jouait la fille polie, c’est tout.

Ils ont commencé a jouer et elle était cette même fille pas très douée mais qui possède cet esthétisme dans le mouvement qui m'oblige a ne regarder qu'elle. Elle était impressionnante de perfection dans sa façon de jouer, même si ça sonnait affreusement faux.

Je regardais son petit bras d'argile glisser sur les cordes comme s'il y faisait du patinage artistique. L’angle parfait de son cou. Avec ce regard concentré de la gamine studieuse que je n’avais jamais soupçonné qu’elle aurait pu avoir.

Je n’avais jamais ressenti ça en écoutant du Mosier.

Ça a dû durer une petite heure. Loic est venu me demander s’il avait bien joué (sûrement bien mieux qu'elle, en tout cas). Le chef qui me connaît depuis mes 6 ans m'a dit que je faisais du bon boulot avec le petit, qu'il avait progressé. On a parlé un peu. Mes projets, les siens. Il m’a demandé de pratiquer un peu, même si ça n’est pas toutes les semaines. Il a peur que je perde beaucoup, à ne plus oser toucher mon jouet.

Et puis elle, elle et son aisance maladive. Elle a fait la bise au chef, et m’a juste souri. Elle m’a demandé si je comptais venir au concert de samedi, j’ai dit que je viendrais pour Loic, que je ne savais pas qu’elle y jouait aussi. Elle a répondu qu’elle aimait faire des cachotteries et puis elle est partie. Le chef m'a chuchoté qu'elle n'avait aucune oreille mais que son aisance suffisait a faire oublier la fausseté de son jeu.

Cette aisance me rend malade.

Je suis pathétiquement désespéré.