En finissant de vider mes cartons hier soir je suis tombé sur une boite de vieilles photos. Ça fait drôle. D'abord de me revoir gamin, les cheveux déjà mal coiffés, ca doit etre de naissance. Et puis la gueule de travers et le regard mal fait comme si je n'étais jamais content. “Un sourire, ça va pas te tuer Nono” qu’elle me répétait ma mère (et la c’est horrible, je viens de révéler mon talon d’Achile, mon “petit” surnom…)

J'y ai trouvé une photo d'école ou Henryka et moi sommes assis l'un a cote de l'autre comme deux betes de foire. On se ressemblait beaucoup plus quand on était gamin. Il me manquait les dents de devant et elle, elle avait encore sa grosse frange. Du coup on a décidé de trouver un cadre décent et de l'accrocher en plein milieu du salon. C’est glorieux ça aussi. C’est écris 1996 au dos. 10 ans c’est énorme, mais alors qu’est ce que c’est rien du tout.

Et puis comme si il n'y avait pas de hasard, il y avait aussi un photomaton de Lucie et moi, en noir&blanc. Ça m’a fait drôle. Pas vraiment comme des regrets parce que je l’ai assez dit, je n’en ai pas en ce qui la concerne. C’est juste que je me rappelle ce que c'était quand on était ensemble. Tout m’est revenu d’un coup. Ses crises de nerfs, sa boite de chewing gum qui faisait du bruit dedans sa poche, ses cheveux toujours parfaitement coiffés, ses petites mains froides, son grain de beauté sur la paupière droite, son rire de hyène, son parfum Yves rocher a la vanille, ses pantalons trop larges, ses goûts musicaux horrifiants, sa façon de se mettre sur la pointe des pieds pour m’attraper le cou, ses ongles rongés, ses taches de rousseurs sur le nez en été et son inoubliable sourire, forcement.

Je me souviens aussi qu’elle ne supportait pas de me donner la main en publique. Elle disait que c'était de l’irrespect pour les célibataires et que de toute façon je suais des mains. Une fille agréable quoi…

Moi j’aimais sa franchise. Combien de fois je me suis fait réveiller d’un “T’es vraiment moche toi aujourd’hui”. Bizarrement ça me faisait sourire. Je suppose que c’est parce qu’elle le disait en me caressant les cheveux. Comme si finalement, qu’est ce qu’elle s’en foutait que je sois nain, moche, gros, jaune ou poilus.

Je fais le gamin nostalgique parce qu'elle est partie il y a plus d’un an et qu’il n’y a eu personne depuis elle. Elle reste mon souvenir de bonheur le plus frais, alors je le ressors tout le temps comme pour me rappeler que ça m’est bien arrivé. Alors que finalement, j’ai pas attendu qu’elle parte pour me lasser d’elle. Même que je trouve ça triste. Cette façon qu’ont les gens de se lasser de tout une fois que c'est acquis. Comme si celle qui me comblait il y avait encore 6 mois, même si elle n’avait pas changé entre temps, n'était plus satisfaisante. Et même si je m’en suis voulu d’avoir rompu la promesse que j’avais fait a ma soeur, celle de ne pas être comme un des salauds qui ont joué avec son coeur, il fallait avouer que tout était malheureusement devenu fade. Notre histoire, je veux dire. C'est quand meme elle qui m'a quitté. Pretextant autre chose.

Et j’ai peur que cet exemple soit un schéma parfait, sans exception. J’ai peur de toujours finir par me lasser. Et comme je ne supporte pas le goût amer que cet échec m'a laissé dans la bouche, je n’ai plus essayé d’aimer depuis.

J'espère juste que ça n’est pas en train de me tomber dessus, l'amour… C’est le même amer qui me fait avoir peur d’approcher Laurene d’un peu trop près. Je ne veux pas que l’amour m’attrape. Même si je sais bien que j’ai tord de m'en proteger.

Laurene a plutôt bien joué aujourd’hui quand on considère ce qu’elle fait d'habitude. Ça vient sûrement du fait que cette fois ci, elle n’avait aucune trace d’herbe ou autres branchages dans les cheveux. Je suppose qu’elle était, pour une fois, concentrée. Elle n’a pas demandé pourquoi je n'étais pas venu au concert. Il se peut qu’elle ne sache même pas que je n’y sois pas allé, étant donné qu’elle n’a sûrement pas pris la peine de chercher pour moi dans le publique. J’ai hésité deux fois a me justifier en m’inventant une tante mourante ou un accident de tracteur. Mais je me suis dit que je n’allais nul part. Ou plutôt, que j’allais la ou je ne voulais pas aller.