On revient de chez ma grand mère. La fête des mères, vous savez. Parce que je suis un type fauché et pas très original, je lui ai offert des fleurs, a ma mère. J’ai fait celui qui avait oublié son violon pour ne pas avoir à jouer. De toute façon j'étais incapable de concentration, cet après midi, après la nuit d’hier.

Hier soir, Damien m’a appelé un peu avant que je me décide a partir pour le concert. C’est marrant la plupart des gamins sortent leurs plus vieux amis de l'école primaire, nous on s’est connu dans notre cours de solfège quand j’avais 6 ans et lui 7. Aujourd’hui il est au conservatoire, et moi je traîne les rues. C’est glorieux tient…

Il voulait qu’on aille boire un verre “depuis le temps”, et comme après tout, ça me plaisait bien d’avoir autre chose a faire que de penser a elle, j’ai dit oui. On s’est retrouvé en bas de chez lui. C’est le genre impressionnant ce type. De carrure je veux dire, il me prend de 10 centimètres, et je suis pourtant loin d'être petit. Quand je le regarde je vois encore le gamin au pantalon trop court avec ses grosses lunettes à double foyer. Je suis affreusement cliché... Mais il s’est bien rattrapé, apparement. Il m’a parlé de sa vie la bas, du boulot incessant qu'on lui demande de fournir, et de comment ça sonne vrai, de donner autant. Il adore ça, c’est agréable de l'écouter parler. Il me rappelle que j’ai manqué d’un frère. Je suppose que ça ne devait pas être bien difficile de lire dans mon regard que j’avais comme un problème. Henryka dit que j'ai les yeux de cocker de mon père… Du coup il a commence a me poser des questions. J'ai pas vraiment eu envie de jouer a l'homme torturé qui garde tout à l'intérieur, je lui ai parlé directement du concert de ce soir, de Laurene, elle, son aisance et son manque de talent. Lui ça l’a fait rire. Je suppose que le pathétique peut être assez drôle. Il m’a dit faire l’homme, pour changer. D’oublier d’y aller, l’obliger a se poser des questions. Après tout il avait raison, c'était elle qui avait commencé en disant qu’elle aimait faire des cachotteries. C'est là qu'il m'a dit que son cousin avait sa maison pour le week end, il voulait qu’on aille y passer la soirée. J’avais aucune raison de dire non, après tout. Ça m’obligerait peut être à arrêter de faire le cocker avec mes yeux et de ne plus me torturer mes trois neurones pour une fille avec qui je n’ai jamais échangé plus de 10 mots et qui en plus, n’a aucun talent.

Évidemment je dis ça mais je n’en pense pas un mot Et puis j'ai beau aimer Damien, mais sa vie n’est pas la mienne. Peut être qu’avec elle je n’ai pas envie de jouer a l’homme. Et après tout j'avais promis a Loic que j'irais le voir, j'aurais laissé tomber mon ego et y aller pour lui. Ça me ressemblait un peu plus. Je me suis senti con d’un coup. Au milieu de tous ces buveurs, moi qui n’aime même pas le champagne. Je me suis calé dans un coin et j’ai appelle ma soeur. Elle est venue me chercher dans la demi heure. On est passé devant l'école de musique sur le retour, mais il n’y avait déjà plus de lumière. Ma vie n'est pas un film.

J’ai tres mal dormi.